Nicolas Rieucau, responsable de l’inventaire Condorcet, répond aux questions du Culture Media Lab, à propos de ce projet qui réunit des chercheurs et chercheuses de nombreuses disciplines pour mieux comprendre la vie, l’oeuvre et l’époque du grand représentant des Lumières.
En quoi consiste le projet d’Inventaire Condorcet et quelle est son origine ?
Ce projet remonte aux début des années 1990, à la faveur du bicentenaire de la Révolution française et du bicentenaire de la mort de Condorcet en 1994. Une équipe pluridisciplinaire – le Groupe Condorcet – s’est constituée à cette époque pour travailler sur son œuvre, publier ses textes manuscrits, mais également diffuser sa correspondance. C’est alors qu’a été ébauchée l’idée d’établir un inventaire. Le Groupe Condorcet a publié beaucoup d’écrits et organisé de nombreux colloques avant d’interrompre ses activités au début des années 2000. J’ai repris ce projet en 2009, en fondant l’équipe Inventaire Condorcet.
Quelle est l’ambition d’un inventaire ?
Un inventaire est un préalable à l’édition critique et commentée d’une œuvre ou d’une série de documents. S’agissant de la correspondance active (composée de lettres écrites par l’auteur), celle-ci est en particulier dispersée. Il faut donc aller chercher les lettres, en France ou à l’étranger. Une autre tâche consiste à les dater (car Condorcet datait peu ses lettres), puis parfois à en identifier les destinataires. Il y a donc tout un travail de prospection, de datation et d’identification à développer, avant même d’entreprendre l’édition scientifique en tant que telle. À présent, nous nous concentrons surtout sur l’inventaire des manuscrits de Condorcet.
Dans ce travail, quelle place prend le partenariat avec l’université de Nanterre et les étudiants ?
Cette collaboration se concrétise par la publication électronique de certaines lettres sur notre site (www.inventaire-condorcet.com). Cette publication est réalisée grâce à un encodage dans le langage XML-TEI. Grâce au laboratoire de Camille Claverie et de Marta Severo, les étudiants encodent ainsi des lettres (tout en assurant le « nommage » des fichiers des photographies). Ce partenariat doit durer trois ans, l’année 2023 étant la dernière. Deux stagiaires travaillent ainsi avec nous, deux mois dans l’année, en étant encadrés par un ingénieur d’études, Josselin Morvan. Ils effectuent ensuite chacun 15 jours de vacations. Il est aussi donné à ces étudiants l’occasion d’avoir un contact direct avec les documents puisqu’une visite est organisée aux Archives de l’Académie des sciences, à Paris, où sont conservés de nombreux papiers de Condorcet. Cette collaboration avec les étudiants marque également l’occasion pour eux de s’immerger dans le monde de la recherche, d’être sensibilisés au travail en équipe.
Quels sont les méthodologies et outils utilisés ?
La particularité de notre démarche est d’accorder une grande importance au support d’écriture, au support matériel, et en particulier aux filigranes pour des raisons de datation ou d’identification. Par exemple, Condorcet utilisait parfois du papier picard, ce qui nous permet d’identifier des périodes et des lieux d’écriture. Sur notre site, une page est spécifiquement consacrée aux papiers et aux filigranes.
C’est un travail immense !
C’est effectivement une entreprise de longue haleine. J’ai beaucoup fréquenté des chercheurs en histoire des sciences et le travail en commun est quelque chose de courant dans cette discipline. La tâche est en l’occurrence d’autant plus grande que Condorcet a pendant longtemps été un auteur assez négligé. Comme je l’ai précisé au début de notre entretien, les recherches systématiques sur lui, dans une dimension pluridisciplinaire, ne date que de la fin du XXe siècle. Cette dimension pluridisciplinaire s’impose parce que Condorcet était tout à la fois un scientifique, un philosophe, un économiste et un homme politique.
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