Technoesthétique et désobéissance : Imagination et invention technique à l’aube de l’Industrialisation 4.0 en Amérique latine

La thèse de Jorge Sosa « Technoesthétique et désobéissance : Imagination et invention technique à l’aube de l’Industrialisation 4.0 en Amérique latine » comporte trois cas d’études. L’un au Brésil, le deuxième en Argentine, le dernier au Mexique.

Concepts clés

Imagination, invention, Industrialisation 4.0,  Technoesthétique, désobéissance épistémologique

Terrain d’étude / Corpus

Pour cette recherche, nous avons choisi trois cas d’études : la mine Brucutu située à Minas Geria (Brésil), exploitée par la multinationale minière Vale ; la société de montage de machine de traitement pour l’irrigation pour l’agriculture de précision PLA S.A, située à Santa Fe (Argentine) ; et finalement, deux usines automobiles allemandes intelligentes de la marque Audi (San José de Chiapa) et Volkswagen (Cuautlancingo) situées dans l’État de Puebla (Mexique). Née d’un projet du gouvernement allemand nommé Industrie 4.0., la révolution numérique dans l’industrie latino-américaine se trouve cristallisée autour du traité de libre-échange entre le Mexique et l’Union européenne en vigueur depuis l’an 2000, qui constituera un exemple très parlant pour notre étude. Cette industrie 4.0 serait ainsi pilotée par des systèmes cyber-physiques reliant l’IA, le traitement des données et la robotique via l’Internet des objets. L’usine Volkswagen de Cuautlancingo, par exemple, utilise des robots collaboratifs (cobots) qui contrôlent et mesurent la zone de production de manière automatisée, en collectant des données et en les traitant en temps réel grâce à l’Internet des objets.

Cadre conceptuel

L’histoire moderne des pays de l’Amérique latine a souvent été ponctuée par l’importation, tantôt bénéfique, tantôt traumatique, d’un modèle de développement technologique conçu par les pays traditionnellement plus riches. On ne saurait pourtant pas dissocier cette importation technologique de son impact sur l’imagination des sociétés latino-américaines, c’est-à-dire sur la manière dont ces individus se figurent leur monde et les formes possibles d’interagir avec lui par le biais de ces technologies. Le projet de la Quatrième révolution industrielle (4RI) préconisé récemment par la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL), constituerait ainsi une nouvelle tentative d’adopter un modèle de développement dans la région. Inspirée d’un projet de digitalisation de l’industrie en Allemagne (2011), cette révolution numérique repose sur des « systèmes cyber-physiques », des imbrications entre des opérations « physiques » et « cybernétiques » grâce à la mise en place d’un ensemble de technologies de l’information (par exemple, IA, IoT, Big Data, cobots, etc.). Compte tenu du déphasage qui a historiquement caractérisé le discours sur le développement technologique et les formes effectives d’adoption de cette technologie dans la région, qu’en est-il de l’imagination technique véhiculée par la Quatrième révolution industrielle et quels seraient les modes d’appropriation culturelle de ces technologies ?

Cadre théorique

L’imagination est devenue un champ social de négociation entre les sites d’agence face à un monde de plus en plus globalisé par les TIC.(A. Appadurai). Ainsi, en adoptant une perspective « techno-esthétique » (G. Simondon), cette étude vise à thématiser l’imagination impliquée dans les modes de fonctionnement, de perception et d’usages (affordance) induits par les technologies de la Quatrième révolution industrielle. Cette approche techno-esthétique devra être située dans l’histoire d’un discours modernisateur du développement qui a contribué à masquer la fracture existante entre les intérêts commerciaux transnationaux et la forme réelle d’appropriation culturelle de ces technologies en Amérique latine (J.M. Barbero). Cette recherche s’inscrit enfin dans une posture décoloniale visant à mettre en évidence des gestes de détournement technique qui « désobéissent » (W. Mignolo) au paradigme modernisateur en concevant d’autres histoires à partir de l’invention d’autres imaginations techniques.

Méthodologie

Ce travail propose une étude techno-sociale et techno-esthétique divisée en trois parties.  Nous élaborerons tout d‘abord un cadre théorique pour analyser l’imagination technique à partir de cas paradigmatiques de la Quatrième révolution industrielle. Nous réaliserons ensuite une étude socio-technique (sociologie des usages) et techno-esthétique (ethnographie du design) permettant d’étudier les protocoles de l’imagination technique à l’œuvre dans la Quatrième révolution industrielle en nous focalisant sur des cas particuliers. Finalement nous répertorierons et analyserons des pratiques culturelles relevant éventuellement des modes d’invention d’autres imaginations techniques.

Légendes

  1. The 4 Industrial Revolutions (by Christoph Roser at AllAboutLean.com)
  2. Qu’est-ce que l’Internet industriel des objets (IIoT) ?, dans TIBCO:
    https://www.tibco.com/fr/reference-center/what-is-industrial-internet-ofthings-iiot
  3. INDUSTRIA 4.0 Manufactura en México, Published on Nov 5, 2019:
    https://issuu.com/mexicoindustrynews/docs/suplemento_digital_industria_4.0_fi_8d65122592d265
  4. Le Caterpillar 793F peut transporter jusqu’à 226 tonnes de marchandises dans sa benne Caterpillar/Divulgation
  5. À l’intérieur de la salle de contrôle, les opérateurs surveillent toute la locomotion des camions à l’intérieur de la mine Vale/Divulgação
  6. Enchevêtrements denses de connexions clandes3nes de câbles à Rocinha, Rio de Janeiro
  7. Carte inversée. Net.Art La3no Database, Brian Mackern