Dans cet entretien que le directeur de Wikimédia France a accordé au Culture Media Lab, il revient sur les missions de l’association soutien de l’encyclopédie et de ses contributeurs et présente le partenariat noué depuis des années avec l’université de Nanterre et ses étudiants, dans le cadre notamment des projets tuteurés.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur Wikimédia France ?
Wikimédia France est une association loi 1901 qui a été fondée en 2004 avec comme objectif de soutenir le développement de Wikipédia et des communautés de bénévoles qui y participent, en France notamment. Ce soutien se fait sur plusieurs aspects : nous menons des actions de partenariat avec des institutions comme les musées, les archives et bibliothèques afin de développer des contenus de qualité. Nous participons à des actions en amont, avec les écoles par exemple, pour initier des publics à l’usage de Wikipédia en classe, par les élèves comme par les professeurs, favoriser la compréhension du fonctionnement de Wikipédia. Et puis, évidemment, un aspect important de notre travail va vers le soutien aux bénévoles de l’encyclopédie. Nous leur fournissons des sources pour les aider à contribuer, des outils qui facilitent leur contribution. Ce soutien est aussi juridique quand ils sont menacés dans le cadre de leur activité de wikipédiens.
Pour ma part, je suis le directeur exécutif de Wikimédia France. Je coordonne les activités de l’association, qui bénéficie aujourd’hui du travail d’une équipe de treize salariés. J’ai rejoint Wikimédia France en 2015, d’abord en service civique sur la question du développement de la contribution en langues régionales et minoritaires sur Wikipédia. Et j’y ai suivi un chemin jusqu’à mon poste actuel.
Depuis quelques années, un partenariat met en lien des étudiants de Master à Nanterre et Wikimédia France, sous la forme de projets tuteurés. Ce projet vient de notre proximité avec Marta Severo et Augustin Segault qui ont étudié Wikipédia, ainsi que du colloque organisé par Lionel Barbe « Wikipédia, objet scientifique non identifié » en juin 2013, suivi par un livre. Nous y avions discuté et évoqué la mise en place d’un partenariat entre le laboratoire et l’association, notamment pour accueillir des étudiants en projet tuteuré. Pour l’association, cela nous permet de travailler sur des sujets et problématiques concrètes, avec des étudiants. Je pense par exemple à un travail mené autour d’analyse et de bilan de concours de contributions. On a pu aussi travailler sur la création de contenus de formation à destination de nos partenaires, des GLAM (Galleries, Libraries, Archives and Museums – en français Galeries, Bibliothèques, Archives et Musées). Pour nous, c’est un vrai soutien qui nous permet de transmettre un savoir aux étudiants. Ça se passe toujours très bien.
Plus précisément, quels ont été les projets menés ?
Nous cherchions à développer les formats de formation pour nos partenaires. La première année, notre question était : comment former nos publics GLAM (acronyme de Galleries, Libraries, Archives and Museums) aux projets Wikimédia France ? Nous avons réalisé plusieurs sessions de travail au sein de l’association avec le groupe d’étudiants. Nous avons réussi à organiser une réunion aux Archives nationales avec le groupe d’étudiants et le partenaire pour que soient bien prises en compte les attentes des partenaires vis-à-vis de ce travail de formation. Cela avait permis au groupe de produire quelques vidéos extrêmement intéressantes qui nous ont ensuite servi de base de travail pour le développement d’un MOOC Wikidata qui est lancé depuis trois semaines. Cela peut servir de phase de préparation et de test concernant des contenus à destination de différents publics.
Et concernant cette année, le projet s’est fait autour de Wiki Love Earth. Nos communautés organisent de très nombreux concours, que soient des concours photos, de contributions. Ça fait un an et demi que le concours Wiki Love Earth s’était arrêté. Nous cherchons à avoir un vrai bilan, à la fois qualitatif et quantitatif, de ce concours. Qu’est-ce que ça avait apporté ? Quels avaient été les freins, les limites ? Comment pouvait-on améliorer ce type de concours pour les années à venir ? Je crois savoir que le rapport définitif des étudiants est bientôt prêt. Nous avons hâte de le découvrir.
Pour l’an prochain, avez-vous déjà une piste pour ces projets tuteurés ?
Nous en avons déjà parlé et défini une première orientation. La voici : cette année, Wikimédia France a publié un rapport sur l’Open Content dans les lieux culturels. Le document fait peu ou prou 135 pages. Nous aimerions travailler avec les groupes d’étudiant à la conception de propositions de visualisation des données de ce rapport afin de favoriser la campagne de diffusion de ces données auprès des acteurs concernés comme ceux de la culture et d’autres institutions nationales.
Dans les différents projets communs, il y a aussi une thèse CIFRE.
Oui, et ici aussi, il y a plusieurs aspects. L’idée serait de montrer en quoi est-ce que Wikidata, qui est aujourd’hui la plus grande base de connaissance libre dans le monde, peut permettre de répondre à des problématiques ultra-concrètes, parfois même des problèmes économiques. L’exemple que nous voulons explorer, et qui tient à cœur de la personne qui portera cette thèse, est celui la gestion des races équines. Des bases de données existent partout à travers le monde, elles sont ultra fermées et cela provoque un problème économique pour les centres d’élevage et différents haras qui peinent à croiser ces données, qui leur permettent pourtant de réaliser au mieux leur gestion de la reproduction de l’espèce, mais aussi des enjeux économiques. Cette thèse mettrait en regard un projet libre et des problématiques très concrètes dans le monde équin.
Wikimédia France a-t-elle d’autres partenariats universitaires ? En quoi celui avec Nanterre diffère ?
Nous avons des partenariats avec des universités. Ils visent plutôt à créer du contenu. Nous travaillons aussi avec des bibliothèques universitaires, dans le cadre d’accords de numérisation et de mise à disposition. La particularité, avec Nanterre, c’est que l’on inscrit ici notre action dans un travail de formation et d’accompagnement des étudiants. Nous renforçons aussi notre partenariat avec des chercheurs qui travailles sur le libre et les communs numériques, qui sont des alliés de qualité et de valeurs pour le combat que l’ont mène pour le libre partage de la connaissance et la lutte contre les enclosures qui existent aujourd’hui sur le web. Aussi stratégiquement, c’est extrêmement important pour nous.
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