Dans cet entretien que Marta Severo a accordé au Culture Media Lab, elle détaille ses attentes concernant sa résidence de recherche à venir à UC Berkeley et revient sur la notion de workflow.
Vous serez prochainement en résidence à l’Université de Californie – Berkeley, pouvez-vous nous situer le contexte de ce moment de travail privilégié proposé par l’université américaine ?
Cette résidence à l’Université de Californie – Berkeley est une opportunité proposée par la COMUE Université Paris Lumières dans le cadre du projet NEST – Networking Technologically Smart Territories, financé par le programme Marie Skłodowska-Curie RISE Action. Ce projet d’échange permet à des chercheurs de différents niveaux, des doctorants aux chercheurs expérimentés, de réaliser un séjour auprès d’un des six partenaires du projet qui sont Technological University Dublin (Irlande), University of Silesia (Pologne), Universidad de las Artes (Équateur), University of California Berkeley (États-Unis), Dublin City Council (Irlande), Fabryka Pełna Życia The Living Factory – The Galápagos Islands Government Council (Équateur).
Comme s’est fait le processus qui vous a conduite à être invitée ?
Mes recherches actuelles se situent au croisement des objectifs du projet NEST, qui vise à conduire une enquête théorique sur les relations entre technologies numériques, systèmes vivants et production de connaissances au sein de laboratoires de recherche ancrés dans le territoire. En effet, depuis quatre ans, dans le cadre de mon projet pour l’Institut Universitaire de France, intitulé « Donnée en action », je conduis un travail ethnographique pour déconstruire les workflow mis en place dans les laboratoires en sciences sociales s’appuyant sur des méthodes numériques (généralement appelés Média Lab). Cette pratique me semblait opérer un mariage parfait avec les attendus de la résidence, alors j’ai proposé d’ajouter Berkeley à mes terrains d’enquête et ma proposition a été acceptée par les porteurs du projet NEST.
Que sont les workflow ?
Avec le terme workflow, je fais référence à la manière de travailler de ces labs. Je fais l’hypothèse que, même si chaque projet est différent, chaque lab tend à construire une routine autour de l’organisation du travail. Certains considèrent en priorité les outils qu’ils ont à disposition, d’autres les données qu’ils ont récoltées, d’autres le cadrage théorique, d’autres encore privilégient une posture militante, etc. Évidemment, il reste également intéressant de de regarder le modèle financier de ces labs et voir le rôle joué par les financeurs dans la structuration des workflow.
Quels sont les enjeux de cette résidence ? Souhaitez-vous y explorer un ou plusieurs sujets en particulier ?
L’objectif principal est d’entrer dans ces Média Labs est de comprendre comme ils fonctionnement, qui y travaille, comment la recherche est produite et comment les technologies numériques interviennent pour tisser des liens avec les territoires. Les enjeux sont doubles. D’un point de vue théorique, il faut aller au-delà de la façade de ces laboratoires pour comprendre les mécanismes qui y sont en place. D’un point de vue pratique, cette résidence et ces visites sont aussi l’occasion de construire des collaborations futures.
Au-delà d’UC Berkeley qui offre de nombreuses structures importantes comme le D-Lab ou le CITRIS, le contexte territorial dans lequel l’université est ancrée est également très intéressante à étudier car il est le lieu d’un lien entre de grands groupes mais aussi de nombreuses start-ups de la Silicon Valley et plus généralement de la Bay Area, dont plusieurs ont une posture militante (ex. Democracy + Media Lab ou la Social Apps Lab).
Cette résidence est l’occasion de présenter vos travaux aux États-Unis mais aussi de faire part des avancées de la recherche en France et en Europe. Quels points sont notamment importants à partager avec le monde de la recherche aux États-Unis ?
Deux points sont particulièrement frappants si l’on mène une comparaison. Le premier est l’effet qu’a eu le Covid et les adaptations qui ont été nécessaires à la lutte contre le virus, sur la vie universitaire. En effet, à l’UC Berkeley et dans les structures autour, la plupart des activités restent en distanciel. L’université semble avoir du mal à construire un modèle hybride et il me semble que sur ce point, les universités européennes ont quelque chose à partager avec les homologues américaines. Le deuxième point, en lien avec ce premier, est la dynamique fortement individualiste de la recherche aux États-Unis, qui est notamment liée à la pression immense qui concerne la collecte de fonds. La France et d’autres pays européens peuvent montrer l’importance de construire des dynamiques des recherches collaboratives qui passent par la création d’espaces collectifs physiques et virtuels de la recherche. Le projet NEST et plus largement la COMUE Université Paris Lumières et également l’EUR ArTec qui fait partie de cette COMUE constituent d’excellents exemples en ce sens.
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