Entretien avec François Millet du Dôme

«Le 6 juillet, avec l’ANR Collabora, nous réunirons de nombreux acteurs du domaine de la recherche participative pour voir si notre travail est mobilisable à l’échelle nationale ou internationale.»

Dans cet entretien que le directeur de projet « Science et société » au sein du Dôme a accordé au Culture Media Lab, il présente ce lieu unique dédié à la recherche participative et l’innovation populaire. Il en explique les enjeux et l’ambition et donne des détails attendus sur l’événement du 6 juillet, qui réunira de nombreux acteurs du domaine.

Le Dôme est un lieu et une institution assez unique en France et en Europe, dans le paysage du collaboratif. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Le Dôme est le centre de culture scientifique de Caen-Normandie, comme il en existe plusieurs en France, en général un par région. Une des spécificités du Dôme en tant que centre de culture scientifique est qu’il a été pensé comme un tiers lieu. Ce n’est pas un traditionnel centre d’exposition, un lieu de conférences ou d’ateliers pédagogiques. Le Dôme propose aux gens de venir participer, collaborer, enrichir, tester des programmes de recherche participative ou d’innovation populaire, et ceci au contact de chercheurs, d’associations, des entreprises, des collectivités. Ensemble, ils tentent de répondre aux problématiques de recherche, aux grands thèmes de la science et de notre société.

En quoi consistent la recherche participative et l’innovation populaire ?

Parmi les champs les plus connus, on retrouve la question des sciences participatives : on invite la population à contribuer, à recueillir des données pour des programmes recherche. Autour des questions de la biologie ou de sciences naturalistes, par exemple, tout un chacun peut relever des plantes, envoyer des informations à de grands programmes nationaux portés par des institutions comme le Muséum d’histoire naturelle comme les programmes Vigie Nature ou encore Vigie Ciel. Il s’agit de faire remonter de la donnée. Il y a aussi tout un courant de la recherche participative qui invite l’ensemble des publics à travailler avec les chercheurs pour faire émerger des problématiques, faire émerger des problématiques de recherche et parfois même à élaborer les protocoles d’expérimentations ou contribuer à l’analyse des résultats. Le spectre de recherche participative est extrêmement large aussi dans les domaines des sciences humaines et sociales, de l’agriculture, de la santé, de la culture. Au Dôme, nous nous sommes initiés à ces pratiques par le biais de la démarche Living Lab, qui est une méthode d’innovation avec les usagers, où des populations sont conviées de manière très précoce dans les processus de créativité aux côtés d’équipe de recherche, d’entreprises, d’associations ou de collectivités.

Nous sommes une association dont la spécialité est de créer des temps, des lieux et des situations qui permettent le dialogue et de susciter une rencontre entre des personnes, des institutions qui n’auraient pas l’occasion de le faire autrement. L’action de médiation culturelle et scientifique, c’est notre cœur de métier. Notre question est : comment composer des temps où le monde de la recherche, le monde de la création, de l’innovation peuvent rentrer plus facilement en dialogue avec la population. Il existe des outils et des méthodes qui font que la participation des gens est possible et tout le monde trouve son compte dans cette expérience collective.

Ces conceptions, ces démarches, ces pratiques font que vous avez croisé le Dicen-IdF lors de votre développement.

Nous sommes membres du réseau national Particip’Arc qui regroupe les établissements qui agissent dans le domaine des recherches culturelles participatives. C’est au sein de ce réseau que l’on s’est rencontrés. Nous avons été sollicités pour présenter les méthodologies développées au Dôme, la plus-value et le regard différent que l’on pouvait apporter dans des rencontres ou des colloques. Nous avons eu l’occasion de participer à des tables rondes, de faire découvrir nos modalités d’actions, d’interventions auprès des publics. C’est dans les interstices de temps institutionnels que nous avons pu échanger sur les apports que nous avions à partager : expertise scientifique, technique, institutionnelle et méthodologique pour le Dicen-IdF et principalement en médiation et méthodologie participative pour Le Dôme. C’est de cette complémentarité qu’est née l’envie de pousser les collaborations.

Quelle conséquence a eu la rencontre avec le Dicen-IdF ?

C’est vraiment une rencontre entre structures et entre personnes. On a senti un même esprit, au croisement de valeurs et d’envies d’expérimenter des choses. Nous avons reçu une table ronde dans le colloque Science & You, à Metz, ce qui nous a amenés à mieux nous connaître. J’ai rencontré là des chercheurs qui avaient une énergie, une envie de faire un pas de côté, de réinterroger autrement la question du participatif. Ensemble, nous nous sommes vus porter des dynamiques avec des équipes de recherche. Des chercheurs ont trouvé dans notre façon de travailler des outils qui leur permettaient d’avancer un peu plus. Et inversement, bien sûr !

En tant que centre de culture scientifique et technique, cela nous a permis d’expérimenter au-delà de notre périmètre disciplinaire qui comprend les sciences naturelles, les sciences physiques, et qui ne s’est ouvert que plus récemment aux SHS. Cela nous a également permis de sortir d’un cercle de partenaires principalement normands et de collaborer plus largement avec des partenaires travaillant sur un territoire plus large. Enfin, le Dicen-IdF, nous a proposé de faire partie de son ouvrage sur le collaboratif, qui lui-même incluait les acteurs dans un comité éditorial collaboratif. Nous avons été très partants pour nous inscrire dans cette démarche, inédite, innovante, originale.

Et il y a cet événement, très bientôt !

La journée de clôture de l’ANR Collabora nous avait permis de mettre les laboratoires en réseau avec Living Lab et FabPart Lab, la Cité des sciences, le Carrefour Numérique, avec qui nous avions imaginé le Dôme. Ces rencontres nous permettent de réaliser des congruences entre projets. C’est comme cela qu’aura lieu l’événement du 6 juillet pour lequel nous allons réunir de nombreux acteurs du domaine avec le challenge de proposer une rencontre qui favorise des collaborations, qui injecte des méthodes, qui propose des méthodologies adaptées aux publics.

En tant qu’institution, qu’espérez-vous de cet événement et de la suite de ces travaux et recherches, de ces temps collectifs ?

Premièrement, partager notre savoir-faire, faire en sorte que ça réussisse et répondre aux attentes et aux besoins exprimés par les collègues et les gens. Voir si notre travail est mobilisable à l’échelle nationale ou internationale, avec nos méthodologies adaptées au monde de la recherche. Deuxièmement, que tous ces gens imaginent de nouveaux dispositifs, que ça produise de futurs projets, que les différents profils des personnes et des participants créent des projets hybrides. Si nous arrivons à ce qu’un temps de recherche, parfois très institutionnel, revête une forme beaucoup plus participative et soit producteur de connaissances, ce sera une réussite. Et de plaisir collectif aussi. Ce serait déjà une très bonne chose.

Lien

Voir la page projet dédiée à l’ANR Collabora : ANR Collabora – Plateformes culturelles contributives

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Consulter le programme de l’événement du 6 juillet.

Le « Forum: contribution numérique, cultures, savoirs », se tiendra le 6 juillet 2022 au Carrefour numérique² de la Cité des sciences et de l’industrie (Paris) et constituera l’événement de clôture du projet ANR COLLABORA. Ce forum est dédié aux plateformes culturelles contributives, ces plateformes numériques qui permettent à des acteurs de la société civile de contribuer à la production de savoirs liés à des objets culturels.